Là où j´habite, c´est pas grand et pas bien luxueux mais j´aime bien
C´est des apparts et, au milieu, il y a une cour toute petite
Là où j´habite, les voisins sont jamais loin
Tous les jours, on se fait bonjour et, dans son coin, chacun s´agite
C´est sympa là où j´habite, puis il y a un côté cosmopolite
Un petit parfum d´Afrique, parce que, parmi mes voisins,
Il y a une famille de Guinéens
Chaque fois que je les croise, c´est magique
Ils parlent Français et Malinké dans leurs beaux boubous en bazin
La France d´en haut balance des phrases sur des bruits et des odeurs
Moi, je vois ces gens polis, travailleurs,
Presque toujours de bonne humeur
Le père a l´air de bosser dur et tard
Et, le soir, ses enfants s´amusent dans la cour ou sur le trottoir
Ils ont des jeux de gamins et quand ils crient un peu trop fort
Il y a la maman jamais très loin derrière, elle leur fait signe de se taireLà où j´habite, juste là où j´habite {x3}
Là où j´habite, il y a le voisin du numéro trois; alors lui, c´est un cas!
Emmerdeur comme pas deux et cent pour cent Gaulois
Il est debout bien avant le soleil, il voudrait qu´on fasse tous pareil
Du coup, dès qu´il se réveille, il fonce dans la cour s´en prendre à nos oreilles
« Allez, debout les sales Nègres, je vous emmerde, bande de fainéants! »
Et il frappe sur leur porte et il les insulte allègrement
Et personne ne dit rien, et moi non plus
Forcément, parce qu´il est méchant, ça c´est sûr,
C´est un cauchemar pour le voisinage mais tout le monde le ménage
C´est qu´il a une maladie des méninges
On pourrait cogner dessus, ça le rendrait pas plus sage
Mais lui, pour qu´ils le virent, il faudrait qu´il tue quelqu´un
Et quand je l´entends gueuler des fois, je me dis qu´il ne va pas tarder à y venir
Mais les Négros, comme il dit, entre chez eux et chez lui
Le mur, il est épais comme du papier et lui, il a des insomnies
Alors même la nuit, c´est une teigne!
Et eux, ils subissent tout le temps ses conneries
Et jamais ils se plaignentLà où j´habite, juste là où j´habite {x3}
Là où j´habite, c´est petit mais c´est pas ça le pire
Un jour, gêné, le père guinéen vient me voir avec un papier à me faire remplir,
Sinon, lui et sa famille, ils allaient devoir partir
Ben ouais, des papiers, ils en avaient pas assez pour rester en France
Et on les menaçait d´être expulsés
Ils avaient reçu un courrier, de M´sieur le Ministre de l´Intérieur, signé Nicolas en personne
Nicolas dans son petit papelard, il emploie un ton autoritaire à faire peur
Et moi, je me demande plus si ce gars-là a des rêves de dictateur
Nicolas, c´est aux voisins qu´il demandait d´attester
Que les Guinéens étaient intégrés et qu´ils méritaient de rester
Moi, ça m´a fait penser au passé
À une autre époque, on avait demandé aux voisins de dénoncer
Ça avait fini avec des étoiles jaunes
C´est comme ça que ça avait commencéLà où j´habite, juste là où j´habite {x3}
Et puis un jour, mes voisins sont partis. Je les ai jamais revus
On les a ramenés en Guinée parce que, de toute façon, les papiers à faire signer
C´était pour les recenser, pas pour qu´ils puissent rester
Mais le gars du numéro trois est encore là
Il a plus de Nègres à insulter mais lui, on peut pas le virer
Il est Gaulois, il a des droits, pour lui il y a des lois
Là où j´habite, maintenant, ça craint
Il y a toujours l´autre pour nous faire chier mais il y a plus de gamins dans la cour
Plus de Malinké, plus de bazin
Elle est pas drôle mon histoire, elle est même triste, mais elle est authentique
Et j´ai pas été la chercher bien loin :
Tout juste là où j´habiteLà où j´habite, juste là où j´habite {x3}